Crise de panique en Europe

Montréal, décembre 2017. L’équipe française débarque au théâtre Le Clou pour les premières répétitions. Durant ces cinquante heures, on décortique le texte, réajuste les expressions franchouillardes, les liens entrent les personnages se créent tranquillement, on a un début de spectacle, mais il y a encore beaucoup à explorer. C’est long, la création. Tout est à inventer, les idées se bousculent, on essaye des trucs qu’on va peut-être laisser tomber et il faut beaucoup de bonne volonté pour que le processus fonctionne. C’est ma première participation professionnelle dans ce genre de show, mais comme je suis entourée d’une bonne équipe, les prises de risque dans le jeu sont moins épeurantes. Je fonce!

Lyon, avril 2018. Première tournée « seule » en Europe. Le Conservatoire m’avait bien préparée lors de notre tournée de trois semaines en France à l’été 2016, mais cette fois-ci, je pars comme une grande fille sans mes petits amis d’école.

L’angoisse du départ.

Depuis toujours que je rêve de voyager grâce à mon métier, mais là, juste avant que le fantasme se concrétise, je panique. Est-ce que je vais m’ennuyer de mon chum, mes amis, ma famille? Est-ce que mon départ de Montréal va me faire manquer des auditions, des offres de tournage? J’éprouve une grande dose d’excitation mélangée à de l’appréhension. Il faut lâcher prise et faire confiance.

À Lyon, ville coup de cœur, je partage une maison avec les autres québécois de la tournée : Benoit Vermeulen, un des deux metteurs en scène, Julie Vallée-Léger, conceptrice visuelle et Jean-Frédérick Messier, concepteur sonore et acteur. Partager cet espace avec eux me donne l’impression d’un cocon familial, c’est vraiment l’image que j’ai toujours eue des tournées théâtrales.

Sauf que…

À la mi-parcours, je me tape une crise de panique comme ça faisait longtemps que je n’en avais pas vécue. On prépare une belle célébration avec la majeure partie de l’équipe, mais ironiquement, je me sens seule au monde. Perdue, loin. Enfermée dans ma chambre, je ne peux m’arrêter de pleurer, je suis sans repère, j’ai l’impression que les murs se referment sur moi, je n’aurais jamais dû partir, je suis à mille lieues de mon mode de vie… Je panique !

Une chance qu’internet existe. J’attrape mon meilleur ami sur Messenger, je verbalise mes craintes et mes frustrations accumulées depuis la tournée.

Parce qu’une coproduction entre le Québec et la France, ce n’est pas que voyage et belles rencontres, c’est aussi un choc culturel. Nous parlons peut-être la même langue, mais le langage artistique et la façon de travailler sont différents. Il faut que je m’adapte à cette nouvelle metteure en scène française, à ce nouvel angle dans la direction d’acteur. C’est ébranlant pour moi de ne pas tout comprendre du premier coup, je me sens diminuée, il faut que je redouble de travail et de bonne volonté surtout.

Dernière journée de répétition en Europe. On enchaîne le show d’un bout à l’autre, c’est loin d’être parfait, mais je déborde d’optimisme. Je viens de franchir un grand pas dans ma carrière et dans mon cheminement personnel.

(À suivre…)

Crédit photo : Arnaud Peyraube

Je suis le contrepoids du monde

Des compagnies Le Clou et Ariadne

Texte : Karin Serres

M.e.s : Benoit Vermeulen et Anne Courel

Avec : Eve Lemieux, Medhi Limam, Sarah Vermande et Jean-Frédérick Messier.

 

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