La mince ligne entre bon ou culpabilisant!

Je travaille sur une série télévisée avec une nouvelle petite comédienne. Elle n’est avec nous que pour une journée. Ce n’est jamais facile pour un acteur, et encore moins pour une petite fille de 6 ans, de s’intégrer à une équipe de tournage.

Lors de l’audition, la jeune comédienne a super bien performé. Elle a été intense à souhait comme l’exige la scène. La réalisatrice et moi-même sommes rassurées : le tournage va bien se passer…

Quiconque a déjà mis les pieds sur un plateau sait qu’à un moment donné les choses se mettent à accélérer. On a beau se dire : « ce n’est que de la télé, on ne sauve pas des vies », mais malgré tout on arrive à sentir la pression.

Il est bientôt l’heure du dîner et la réalisatrice ne peut pas dépasser le temps prévu à l’horaire. Sinon, il y a de trop grandes pénalités à payer pour une équipe au complet et la productrice lui met de la pression. Il reste peu de temps pour terminer la scène avec la nouvelle comédienne. Le problème, c’est que la petite ne va pas autant dans l’émotivité que lors de l’audition. La réalisatrice me répète ce que je sais déjà : « elle doit être plus intense, ce n’est pas ça, elle est trop froide, etc. » « Oui, je vais travailler ça. T’inquiète, on y arrive », lui dis-je…

Mais le problème, c’est que je n’ai aucune idée comment faire.

La petite a comme un blocage. On dirait qu’elle ne veut pas aller dans l’émotion. Je comprends que ce n’est pas le même cocon intime que lors de l’audition et qu’elle aussi doit sentir la pression, ce qui l’empêche de se laisser aller.  Je ne sais plus quoi faire. Quand je joue la scène à la place de l’acteur pour lui montrer comment jouer, j’en suis rendue à ma dernière carte…  Ça ne fonctionne pas non plus !!

La réalisatrice me répète : « Il reste 5 minutes, faut la refaire, la petite doit être plus émotive. » « Oui, oui », dis-je…

Je dois faire quelque chose! Mais que faire?

Je m’installe proche de la petite et je lui glisse à l’oreille : « Sais-tu pourquoi on t’a choisie à l’audition ? »  Elle fait non de la tête. « Parce que tu étais la meilleure. C’est toi qui pleurais quand tu as joué la scène. Personne avant toi n’était capable de jouer ainsi. C’est toi qui m’as donné des frissons et c’est pour ça qu’on t’a choisie parmi les autres petites filles. Je sais que c’est difficile de rentrer dans l’émotion. Y’a beaucoup de bruit, beaucoup de monde et ça va vite. Mais on t’a choisie parce qu’on s’est dit que tu étais la meilleure et que tu serais capable de jouer la scène avec autant d’émotions qu’à l’audition. Alors, il faut y aller. Il faut que tu donnes tout ce que tu as!! »  La petite m’a regardée et m’a fait oui de la tête.  J’ai dit à la réalisatrice : « nous sommes prêtes! ».  

Action ! La petite a été extraordinaire. La réalisatrice avait les larmes aux yeux. Ouf !

Coupé !

Je ne suis pas certaine de mon approche…

La jeune comédienne est fière d’elle et a su dépasser ses peurs.

Que pensez-vous de ma technique ? Était-ce bon ou culpabilisant ?

 

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