Y’a pas d’option, tu bois de l’eau !

Une journée chaude et humide…

Cette journée-là, c’était la canicule. Il faisait extrêmement chaud et c’était très humide.

 

Dans les téléromans, on essaie généralement d’éviter les références évidentes aux quatre saisons. Comme on tourne les scènes en studio et les scènes extérieures avec des semaines de décalage, et que des mois peuvent quelques fois s’écouler entre ces différents enregistrements et la diffusion, ce serait vraiment difficile de faire coïncider les saisons. Pour remédier à ce problème, il arrive souvent que les productions choisissent de faire porter aux personnages des vêtements d’automne.

 

La journée en question, mon comédien de onze ans tournait avec des costumes d’automne typiques : il portait donc plusieurs couches de vêtements. Chaque fois qu’il devait revêtir un nouveau costume, je me débattais avec la costumière et le réalisateur pour que le garçon ne soit pas obligé d’enfiler le manteau. Je souhaitais qu’il puisse le porter attaché à la taille, quand il ne s’agissait pas d’un raccord direct En de telles situations, il faut bien entendu qu’il porte toujours son manteau : il serait improbable qu’il l’ait enlevé en deux secondes, en particulier lorsqu’il s’apprête à passer de l’intérieur à l’extérieur.

 

Toutefois, ce scénario contenait plusieurs scènes impliquant d’autres personnages, entre celles où interviennent les enfants, et cela pouvait justifier que le personnage ait pu enlever son manteau. Pourtant, chaque fois que je proposais cette alternative, c’était toute une histoire ! Car les costumières veulent en général garder les costumes le plus possible tels quels, histoire d’éviter les problèmes de raccords, justement, et les réalisateurs ne veulent pas avoir une chose de plus à penser…

 

Il ne passera pas au travers

Ce jour-là, mon jeune comédien apparaissait dans toutes les scènes… et je me disais qu’il ne passerait jamais au travers de sa journée, sous cette chaleur étouffante, habillé « en automne » ! Je le talonnais avec un parapluie pour lui faire de l’ombrage dès qu’on disait : « Coupé ! », et je restais auprès de lui jusqu’à ce qu’on fasse le décompte précédant la reprise de l’enregistrement. Je l’obligeais aussi à boire de l’eau après chaque prise. Le jeune ne voulait pas ; il disait qu’il était correct, qu’il n’avait pas soif. Moi, j’insistais : « Ce n’est pas une option : TU BOIS de l’eau ! Tu ne t’en rends pas compte, mais tu te déshydrates… »

 

La costumière avait installé un sac de congélation dans son costume, pour maintenir sa température corporelle un peu plus basse. On lui demandait constamment si la glace était encore froide. Il répondait toujours : « Je suis correct, je suis correct… » On devait insister. Il enchaînait scène après scène et il n’avait pas de pause. Il devait chaque fois se changer en vitesse et revenir vite à l’extérieur. Le régisseur me mettait beaucoup de pression.

 Mettre ses limites

Après un moment, j’ai finalement dit : « Là, il va s’asseoir tranquillement devant le ventilateur pour faire descendre sa chaleur corporelle, et il va prendre une pause de deux minutes en buvant de l’eau. Et si ça ne fonctionne pas, j’appelle l’UDA ! » J’étais excédée. Le jeune est à peine resté assis une minute, puis on nous a demandé de revenir sur le plateau…

 

Comme j’avais développé une certaine complicité avec sa mère au fil des ans, je me suis permis de lui confier que je me sentais bien seule dans la défense de son enfant. Qu’il était important qu’elle fasse également sa part pour assurer sa protection. Elle m’a répondu qu’elle n’osait rien dire, parce qu’elle savait que son fils se fâcherait alors contre elle… Je me suis demandé où était le rôle du parent, dans tout ça. Un parent n’est pas sur un tournage pour plaire à son enfant et tuer le temps en prenant des photos à publier sur Facebook, mais pour voir au bien-être et à la protection de son enfant… n’en déplaise à celui-ci.

 

Le lendemain, la maman a fait une insolation… Elle avait mal à la tête et éprouvait des nausées. Elle était incapable de se lever. Le petit a alors réalisé qu’on peut penser être bien, mais qu’en fin de compte, la chaleur peut quand même nous avoir sérieusement affecté…

 

Si je l’avais écouté, « pour ne pas lui déplaire », son fils aussi aurait fait une insolation, et probablement plus sévère que la sienne, car il était plus exposé au soleil que sa mère et, lui, il travaillait et était habillé en automne…

 

 

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