C’est à cause de ses sourcils…

Si je suis devenue la coach de jeu de Pierre-Paul Alain sur le téléroman Destinées, c’est à cause de ses sourcils…

À l’époque, il en était à sa première année sur ce téléroman et les réalisateurs avaient remarqué qu’en jouant, il fronçait les sourcils à presque chaque réplique.

Les réalisateurs avaient beau lui dire de ne pas faire ça, il n’y avait rien à faire. C’était plus fort que lui. Ses sourcils voulaient jouer la scène…

C’est pour cette raison qu’on m’a contactée. Je devais le coacher et faire en sorte que ses sourcils arrêtent de ponctuer chaque réplique.

Pour notre première rencontre, je lui ai demandé de venir chez moi. Pierre-Paul m’a raconté par la suite qu’il était pas mal nerveux pour ce coaching et qu’il avait peur de ne pas être assez bon et qu’on coupe son personnage….

Je lui ai alors proposé d’aller dans le parc près de chez moi. Je voulais que tout son corps soit impliqué en jouant, car je me doutais bien que si ses sourcils bougeaient ainsi, c’était parce qu’il ne laissait pas son corps libre et impliqué dans la scène et qu’il autorisait seulement ses sourcils à jouer.

La scène que nous avions à pratiquer était une scène de chicane entre lui et son père. Je jouais la scène pour lui en étant très expressive et en jouant beaucoup avec mon corps pour montrer à Pierre-Paul jusqu’où il pouvait se rendre. Il a alors regardé autour et m’a dit : « C’est un peu gênant, regarde tout le monde qui nous regarde… »

Je me suis alors fait la réflexion qu’il était probablement timide et que ce n’était pas la bonne façon de faire. Je lui ai alors proposé de venir chez moi. Dans ma cuisine, je l’ai assis devant une planche à découper, un chou et un couteau. Je lui ai dit : « Alors tu vas faire ta scène en coupant ce chou avec ce couteau. Moi, je ne vais regarder que le chou et la manière dont tu vas le couper va me donner des indices sur ton émotion. «  Il m’a regardé avec un air qui semblait dire : « où est-ce que les producteurs ont pêché cette coach ? » Bon joueur, il s’est impliqué dans l’exercice et je l’encourageais à couper le chou avec force et agressivité. Mais je ne regardais pas seulement le chou, en fait je regardais aussi son visage et je pouvais constater que ses sourcils ne ponctuaient plus le texte. Ma théorie tenait la route. Comme il avait libéré ses mains en coupant le chou avec agressivité, l’émotion prenait ainsi un autre canal pour sortir.

La question était maintenant de trouver comment transposer la planche à découper dans son corps. Je ne pouvais tout de même pas le faire jouer avec une planche lors des tournages… Je lui ai proposé que son personnage pourrait avoir une bague avec laquelle il pourrait jouer. Je lui ai alors demander de faire la même chose qu’avec la planche à découper mais au lieu de couper le chou, il faudrait qu’il « gosse » sa bague en fonction de l’émotion. Je lui ai alors donné un bague et c’est ce que nous avons fait.  Et, comme avec la planche, il a laissé sortir son émotion par sa manière de tourner la bague plutôt que par ses sourcils.

J’ai demandé à la costumière de fournir une bague à son personnage et il n’a plus jamais « joué avec ses sourcils ». Au fil du temps, il a appris à jouer en utilisant son corps et la bague n’a plus été nécessaire…

Mais je me souviendrai toujours de l’expression qu’il a faite quand je lui ai dit qu’il devait couper le chou en jouant sa scène.

Pierre-Paul a cette ouverture d’esprit que peu de personnes ont et il s’est lancé dans l’exercice.

Je suis alors devenue sa coach et aussi celle de tous les jeunes comédiens de ce téléroman. Ça a été une grande aventure qui a duré sept ans.

Vous ais-je déjà raconté la fois où Pierre-Paul a appris une scène en cinq minutes parce qu’on avait ajouté une nouvelle scène à tourner ?

 

 

 

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