Il faisait les choses pour la caméra et se plaisait à charmer…

En 2002, j’ai écrit, réalisé et produit un court-métrage, La Boîte, avec pour personnages, un père et son enfant. J’ai décidé de confier ces rôles à mon conjoint et à mon fils qui à l’époque avait trois ans. Il n’y avait pas de répliques précises pour lui dans le scénario. C’était une collection de moments typiques d’une relation père-fils. Nous tournions le film dans notre maison, avec une équipe ultra réduite : un caméraman et un perchiste/preneur de son.

Lorsque mon fils a vu la caméra et son opérateur, il m’a demandé pourquoi ils étaient là. Je lui ai répondu que mon ami allait le filmer, un peu comme moi je le faisais à Noël, pour immortaliser nos souvenirs. En ce qui concerne le perchiste et sa perche ça l’intriguait beaucoup plus. Je lui ai alors dit que celui-ci faisait des exercices avec un grand bâton, qu’il montait et redescendait. À trois ans, cette explication lui a semblé acceptable. Je ne voulais pas lui révéler à quoi servait réellement cette tige avec un micro au bout : s’il avait su que c’était pour capter le son de sa voix, je craignais que pendant ses scènes il ne se mette à lever la tête à tout moment vers la perche.

Lors du tournage, l’ambiance était bien entendu très familiale. Mon fils a vite accepté la présence du perchiste à ses côtés… Qui faisait des exercices tout en le regardant ! Mon garçon est aussi arrivé rapidement à ne plus se soucier, non plus, du caméraman.

À part les grandes lignes, on ne lui avait donné aucune consigne spécifique. Pourtant, sa réaction m’est apparue tout à fait surprenante. Il a tout de suite noté que le caméraman, le perchiste et moi étions là, à l’observer attentivement, et qu’il disposait de notre attention complète. Alors, il s’est mis à faire les choses différemment.

Par exemple, au moment du bain, normalement ça ne durait jamais bien longtemps : il jouait deux minutes, et après voulait déjà sortir. Mais cette fois, il a étalé tous ses jouets, s’est mis à inventer toutes sortes d’histoires avec ses petits bonhommes. Il parlait davantage, riait plus fort, faisait des blagues, se plaçait en fonction de la caméra. Bref, il entendait profiter au maximum de cette attention accrue et soutenue. Surtout, il voulait nous en mettre plein la vue.

À un moment donné, au parc, lorsqu’on le filmait en train de glisser avec son père, j’ai voulu m’approcher d’eux pour faire une suggestion à mon chum. Alors, mon fils m’a aussitôt dit, sur un ton impératif que je ne lui connaissais pas : « Non, toi maman, tu ne viens pas : tu me regardes ! » Son attitude m’a frappée : j’avais l’impression d’avoir sous les yeux un tout autre enfant ! Il faisait les choses pour la caméra et en rajoutait, multipliait les attitudes et les poses, se plaisait à charmer. Mon fils faisait preuve d’une volonté et d’une disponibilité impressionnantes, inhabituelles. Il faisait tout cela d’instinct, parce qu’il voulait encore et toujours plus d’attention. Et il voyait bien qu’en agissant de cette manière, il l’obtenait.

Un an plus tard, lors de la sortie en salle de ce moyen-métrage dans le cadre du Festival des films du monde et des Rendez-vous du cinéma québécois, je n’ai pas amené mon fils le voir au cinéma. Je me suis dit que je le lui montrerais quand il aurait cinq ou six ans, et qu’alors on le regarderait à la maison, sur notre télé. Comme on visionne les petites vidéos que ma famille filme à Noël et dans les occasions spéciales.

Je pense que s’il était venu à la représentation au cinéma, il aurait remarqué la présence de toutes ces personnes, dans la salle, qui le regardent attentivement jouer. Il se serait vu sur écran géant, entouré de spectateurs captivés par ses moindres faits et gestes. Après la projection, plein de monde serait sûrement venu lui dire combien il était beau, bon, merveilleux, etc. Et je suis convaincue qu’un peu plus tard, en route vers la maison, il m’aurait demandé de faire d’autres films, encore et encore. Pour ma part, je considère que ça n’aurait pas été souhaitable, puisque sa demande n’aurait pas été fondée sur des raisons profondes et sincères, liées à son besoin de s’exprimer. Elles auraient plutôt été motivées par un désir superficiel de plaire et d’obtenir de l’attention.

C’est alors que j’ai commencé à réfléchir sur l’importance de vérifier avec un enfant pourquoi il souhaite vraiment devenir acteur. Car il peut y avoir des raisons superficielles et des raisons profondes. Bien sûr, on veut tous être connus, reconnus et devenir riches (comme si c’était le sort de tous les comédiens…). Tout le monde aimerait bien être une vedette et sentir qu’aux yeux des autres, il est quelqu’un d’important.

Tentez de déterminer les raisons qui peuvent inciter votre enfant à vouloir être acteur. Car il peut y en avoir de viscérales et profondes, alors que d’autres apparaîtront plutôt comme des raisons de surface, qui ne résistent pas longtemps à l’examen…

Selon vous, quelles sont ces raisons ?

Le film en question, La boîte 

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