Souvent, nos enfants nous disent vouloir être acteur. Je n’y ai pas échappé. Quand il avait sept ans, mon fils m’a dit qu’il voulait faire de la télé. Puisque je suis souvent sur les plateaux, que je côtoie les réalisateurs et les auteurs et que, par surcroît, j’ai des amis qui ont des agences d’acteurs enfants, ça aurait été extrêmement facile pour moi de l’orienter vers cette activité. Mais j’attendais plutôt que la chose vienne de lui.
J’ai reçu positivement sa demande, mais j’ai tout de même voulu confirmer l’ampleur et la nature de son intérêt. Alors, je lui ai répondu : « OK, mais avant, je veux que tu suives un cours d’art dramatique à l’école. Tu dis que tu aimes jouer des personnages et dire des répliques ? Tu peux faire tout ça, à l’école ! »
Quelques mois plus tard, rendu à la fin de son cours de théâtre, sa réaction a été : « Ouf, c’est long ! C’est difficile… » Je lui ai répondu : « Eh oui, c’est long. Et ça demande de gros efforts. » Finalement, il n’a pas continué dans cette voie, car il a réalisé de lui-même qu’il n’aimait pas assez ça. En réalité, jouer au théâtre ou devant la caméra, ce n’était pas comme il l’avait imaginé.
Avec le recul, je pense en effet que cette activité n’aurait pas reflété son identité profonde. Bien entendu, il aurait certainement apprécié se faire reconnaître dans la rue, et recevoir de l’attention de la part de ses amis (effets superficiels).
Si je l’avais engagé dans cette voie dès son plus jeune âge, il aurait fort bien pu penser que c’était ça, sa vie. Mais, tristement, il n’aurait peut-être jamais pris conscience de ses vraies passions, de ses propres ambitions. Tout le monde lui aurait dit : « T’es chanceux de faire ça. Wow ! J’aimerais donc ça, moi aussi, être comédien à la télé ! » Quel espace lui serait-il resté pour sincèrement découvrir s’il aime jouer ou pas ?
Si c’était moi qui l’avais poussé à s’engager dans cette activité, son discours intérieur aurait pu ressembler à : « Je ne suis pas pour dire que je n’aime pas ça : tout le monde voudrait être à ma place… En plus, je décevrais ma maman… » Et vous imaginez la pression qu’il aurait ressentie : en plus, c’est le milieu dans lequel je travaille… Et je coache des enfants ! » Alors, il aurait peut-être continué à jouer pour la télé, sans pour autant que cela le rende vraiment heureux.
Isabelle Rainville, la mère de la comédienne Eve Lemieux, a pour sa part constaté le réel intérêt de sa fille pour l’interprétation quand elle l’a vu agir pour la première fois sur un plateau : « Je me rappelle comment j’ai pu vérifier que ma fille aimait être comédienne : quand j’ai assisté à son premier tournage, j’ai pu, de façon réaliste, voir comment ça se passait : “refait ça comme ça… Regarde par là… Comme ça. Relève le menton… Refais ça, comme ça.” Je me souviens m’être dit : “Ah… c’est ça faire de la télé !” Moi, je ne savais pas : je n’avais jamais mis les pieds là. J’ai réalisé que pour faire une pub de 30 secondes, que ça prenait une journée ! Je ne le savais pas… Je trouvais ça long. Eve, elle, était comme un poisson dans l’eau. Elle voulait “être dans la télé,” et ce qui venait avant, ça faisait son affaire. Ça m’a surpris qu’Eve ne se tanne pas. Elle jouait : c’était un jeu, et elle y prenait plaisir. Elle aimait que les regards soient tournés vers elle, qu’on s’occupe d’elle. Les gens la coiffaient, la maquillaient, elle se sentait importante. Elle aimait jouer le personnage, la situation. »
Les Rescapées
De votre côté, comment savez-vous si votre enfant aime assez ça ?
Crédit photo couverture : Andréanne Gauthier
