Un duo mère-fille du tonnerre

Eve a toujours voulu être comédienne. Quand, pour la première fois, elle a vu des enfants jouer à la télé elle s’est exclamée : « Maman, je veux être dans la télé moi aussi ! » Isabelle se doutait bien que cette activité demanderait du temps et elle n’en avait pas suffisamment à l’époque. De plus, elle voulait s’assurer du réel intérêt de sa fille. Sa mère voulait être certaine que celle-ci exerce cette activité pour les bonnes raisons, soit pour le plaisir de faire des personnages, de jouer des répliques. Eve semblait bien avoir une grande passion pour la chose. Par exemple, quand elle voyait un enfant faire une publicité elle refaisait immédiatement le texte en imitant le comédien. Isabelle voyait bien qu’elle semblait vraiment aimer interpréter des rôles : elle se déguisait souvent et aimait créer toutes sortes d’histoires. Les années passaient et Eve continuait à demander à sa mère d’être comédienne.

À un moment donné, Isabelle a vu une émission de télévision Claire Lamarche où un panel d’enfants acteurs accompagnés d’une agente avait été invité. Elle a noté le nom de l’agente a mis le papier sur son frigo. Eve continuait inlassablement à lui demander : « Quand est-ce que tu vas l’appeler la madame ? — Quand ça va être le temps. » Quelques années plus tard, Isabelle est devenue traductrice à son compte. Elle pouvait donc envisager d’accompagner Eve sur les plateaux de tournage puisqu’elle avait maintenant plus de disponibilités. Et bien sûr, parce qu’elle lui avait fait une promesse. Il faut dire que la petite le demandait sans arrêt depuis quatre ans. Isabelle a appelé l’agence, mais elle ne voulait pas sa fille s’emballe avec l’idée. Tout en faisant les démarches, elle la préparait à ce que cela ne fonctionne peut-être pas. Eve a passé deux auditions et finalement, a été acceptée. Pas tant parce qu’elle était meilleure que les autres, mais, aux dires de l’agente, parce qu’elle était toute petite. Elle pouvait jouer des petites filles de quatre ans même si elle en avait huit. (Les producteurs aiment toujours mieux les enfants plus vieux qui font plus jeune, car ils sont plus matures et savent lire.)

Afin de mieux s’outiller, Eve a suivi des cours en interprétation devant la caméra et, à sa grande surprise, elle a décroché un rôle à sa première audition ! Dès le début, Isabelle a instauré une façon de faire : « On en parle cinq minutes et après on oublie ça. On en parle plus. On envoie ça dans l’univers. Si c’est pour toi tu vas l’avoir. Si c’est pas pour toi tu ne l’auras pas. » Elle ne voulait pas que sa fille obsède avec les tournages et qu’elle ne pense qu’à ça. Quand Eve avait des auditions, elle ne demandait jamais à sa mère si son agente avait téléphoné pour l’informer si elle avait décroché l’audition. Elle n’y pensait plus.

Au fil des ans, Eve a eu l’opportunité de décrocher plusieurs beaux rôles, mais Isabelle lui a toujours fait savoir que sa priorité était l’école. Que si ses notes baissaient, il n’y aurait plus de tournages. Elle l’a encadrée et supportée dans son activité, mais c’est Eve qui était responsable de ses tournages, car Isabelle voulait que sa fille développe le sens des responsabilités. De fait, jamais Isabelle n’avait à lui dire de préparer ses textes ou de les apprendre. Même si elle était fière de sa fille, Isabelle n’était pas la groupie de celle-ci et elle ne tentait pas de se valoriser par cette activité. Elle était présente pour sa fille, car c’était ce que celle-ci voulait faire. Elle l’aurait été tout autant si celle-ci avait voulue faire de la natation de compétition ou du soccer.

Le marriage sur Providence

En bonne accompagnatrice, Isabelle veillait à ce que sa fille ne fasse pas de trop longues heures de tournages. Une fois, elle ne s’est d’ailleurs pas gênée pour téléphoner à Radio-Canada pour se plaindre que sa fille travaillait trop tard. Elle n’avait pas peur de s’affirmer auprès des producteurs et ne craignait pas d’être mise sur une « liste noire ». Ce qui comptait était de protéger sa fille.

Isabelle a montré à Eve la valeur de l’argent. Elle lui a enseigné à ne pas dépenser pour rien et l’a responsabilisée par rapport à l’argent. Pour ne pas qu’elle se retrouver avec tout cet argent sans notion de responsabilités financière, Eve payait donc ses propres dépenses. Isabelle lui a ouvert un compte de banque et n’a pas touché à l’argent de sa fille. Elle a continué à être la personne qui travaillait et qui faisait vivre la famille.

Isabelle a continué à répéter à Eve que l’école c’était important et qu’elle devait continuer d’étudier. Après son secondaire cinq, Eve a par la suite étudié en cinéma au cégep et création littéraire et en scénarisation à l’université.

Pendant toutes ces années, Eve a continué à étudier et à faire des tournages. Comme bien des comédiens, elle a vécu un creux de carrière. Sentant alors qu’elle voulait aller plus loin dans l’interprétation et le jeu d’acteur, elle a entrepris de préparer ses auditions pour entrer dans une école de théâtre. Elle a été acceptée au Conservatoire d’art dramatique de Montréal où elle a passé trois ans. Isabelle est allée voir tous ses spectacles.

Je considère que ce duo mère/fille est une belle réussite. L’implication d’Isabelle a toujours été juste et bien dosée. Isabelle a donné à Eve les moyens de s’épanouir tout en la protégeant.

De votre côté, quelle est votre histoire ?

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