Lorsqu’on se présente en audition, il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Un seul des enfants se verra offrir un rôle, à l’issue d’un processus de sélection où de nombreux facteurs subjectifs entrent en ligne de compte.
Souvent, des parents m’écrivent pour me faire part du désarroi de leur enfant face au refus après l’audition que leur jeune vient de passer. Ça n’a rien de drôle pour eux. Je constate que beaucoup d’enfants ont tendance à percevoir comme un échec le fait de ne pas avoir décroché le rôle visé.
Je reproduis, ci-dessous, la réponse à un courriel que j’ai eue d’une maman, qui me racontait que son fils sortait de ses auditions frustré et déçu de ne pas décrocher les rôles. Cette réponse que je lui ai donnée saura, je l’espère, mettre en lumière des aspects importants d’une réalité avec laquelle doivent composer la majorité des acteurs.
« Bonjour,
Je comprends la situation et c’est très difficile de faire face au refus suite à une audition. Même les comédiens professionnels trouvent ça dur.
Certains peuvent passer jusqu’à 200 auditions avant de décrocher un rôle et quelquefois ils n’en obtiennent même jamais !
Juste le fait d’être convoqué à une audition, c’est déjà quelque chose. Ce ne sont pas tous les enfants inscrits dans des agences qui passent des auditions. Tout comme les adultes, les jeunes peuvent attendre des mois avant qu’on leur demande de venir passer une audition.
Et puis, il y a tellement de facteurs qui peuvent faire en sorte qu’on décroche un rôle ou pas. Parfois, ce n’est pas grand-chose qui fait la différence, pour qu’un candidat se démarque : il peut suffire qu’il se trouve au bon endroit au bon moment, qu’il ait le physique de l’emploi ou qu’il ait le type d’énergie qu’il faut pour que l’agent de casting voie en lui l’acteur tout indiqué pour ce rôle.
Par contre, je pense que c’est très bon signe que ton fils soit régulièrement invité à passer des auditions, et qu’il continue de s’y présenter. Tu sais, les agents d’acteurs suggèrent plusieurs comédiens qu’ils trouvent adéquats pour un rôle dont ils ont reçu la description. Ensuite, les agents de casting n’en retiennent que quelques-uns, parmi tous ceux suggérés : ils ne reçoivent pas 300 personnes en audition pour le même rôle.
Donc, le fait d’être convoqué à une audition signifie qu’il réussit déjà à se classer parmi les quelques candidats jugés comme les favoris, pour l’obtention d’un rôle. Et d’une fois à l’autre, il est de plus en plus connu auprès des agents de casting, des réalisateurs, etc.
J’ai des ami(e)s qui ont fait quatre ans de formation à l’École nationale et qui ont passé quantité d’auditions sans pourtant jamais rien décrocher…
Imagine, passer toutes ces années à l’école ; investir temps, efforts et argent sans que ça débouche sur ce qu’on espérait, sans qu’on puisse pratiquer le métier pour lequel on s’est rudement bien formé ! Au moins, en tant qu’enfant, il n’y a pas encore d’enjeux de carrière ni de responsabilités financières à assumer. Jouer devant la caméra est alors une activité comme une autre : c’est de cette manière qu’il faut voir ça.
Et cette activité, pour une large part, c’est passer des auditions parce qu’on aime jouer des rôles : les préparer, montrer les fruits de nos efforts à quelqu’un, et peut-être se retrouver quelquefois à interpréter certains de ces personnages devant une caméra, sur un plateau de tournage.
Je pense que l’enfant doit, entre autres, se demander ceci : est-ce que j’aime ça, dire un texte, travailler une réplique, chercher les intentions de jeu, mettre en application des consignes ? Est-ce que j’aime ça, passer en audition pour montrer ce que j’ai construit ? Là, on se pose les vraies questions.
Le véritable enjeu, ce n’est pas nécessairement le fait d’obtenir chaque fois un rôle.
Il faut aussi se demander ce qui lui a déplu, quand il s’est présenté en audition. Pourquoi en est-il ressorti frustré ? Il est important qu’il y trouve son plaisir. Parce que passer des auditions, c’est déjà faire le métier. C’est sûr que c’est agréable de décrocher un rôle, mais, au fond, il faut d’abord qu’il réalise qu’il est privilégié de faire partie d’une agence, de passer des auditions et d’avoir des parents qui le supportent.
Il lui faut regarder ses propres progrès. Ne pas voir comme un échec le fait de ne pas avoir encore décroché de rôle. Passer l’audition est, en soi, une partie de l’expérience.
Aussi, c’est une bonne chose que ça prenne du temps. Si un jour il obtient un rôle, il va savoir à quel point c’est un privilège de se retrouver sur un plateau et de tourner. Il saura que ça n’arrive pas tout seul, du jour au lendemain.
Au contraire, c’est plutôt un problème quand tout se passe trop facilement. Quand sans effort, comme par magie, on accède au succès et à l’argent. Tant mieux s’il doit ramer un peu, non ? Après tant d’efforts, il connaîtra la valeur de ce qu’il est parvenu à accomplir.
Il y a beaucoup de pièges à éviter quand un enfant devient acteur. Ceux qui accèdent au succès sans effort retournent un jour à la vie ordinaire, une fois passée leur heure de gloire. Quand ils ne sont plus des vedettes, là ils doivent en faire, des efforts. Mais ils ne savent pas toujours comment… J’en ai tellement vu souffrir de se retrouver dans cette situation !
Garde en tête qu’un enfant comédien professionnel, c’est comme un jeune qui passerait de la ligue de hockey Pee-Wee à la Ligue nationale. Rendu là, il devra se débrouiller pour patiner aussi bien que les joueurs professionnels qui, eux, n’ont pas brûlé les étapes pour en arriver là où ils sont.
Personnellement, je te conseille de vérifier auprès de lui ce qu’il aime là-dedans. Si tu veux, reviens-moi avec ses réponses. On pourra en rediscuter. Tu peux aussi lui faire lire ce courriel, je crois que ce serait un bon point de départ pour une discussion.
J’espère avoir répondu à tes questions. N’hésite pas à me relancer, c’est un sujet qui me passionne. »
De votre côté, comment votre enfant réagit à ses auditions ?
